Élégante et parfois déroutante, l’expression “je vous saurais gré” fait partie de ces formules de politesse qui nous font souvent hésiter. Entre conditionnel et futur, entre “savoir” et “être”, le doute s’installe. Plongeons ensemble dans les subtilités de cette expression raffinée qui, une fois maîtrisée, donnera à vos communications une touche d’élégance indéniable.
Orthographe
On écrit : je vous saurais gré. La locution à l’infinitif est savoir gré et non pas être gré. Il faut donc utiliser le verbe “savoir” (ici au conditionnel) et non pas le verbe “être”. La proximité phonétique de ces deux formes explique la confusion. On peut donc dire :
- je vous sais gré de votre aide qui a été essentielle ;
- je vous saurais gré de bien vouloir répondre dans les plus brefs délais.
On n’écrit pas :
je vous serais gré de bien vouloir m’accorder une entrevue.
La forme correcte est “je vous saurais gré” ou “je vous saurai gré”. Point final. Oubliez “je vous serai gré” – c’est une erreur manifeste.
Cette formule emploie le verbe “savoir”, non “être”. Elle équivaut à dire “je vous serais reconnaissant” ou “je vous saurais bon gré”. Le terme “gré”, ce petit nom masculin, porte en lui toute la force de la gratitude et de la reconnaissance.
Quel est le sens de cette formule ?
“Je vous saurais gré” signifie : je vous serais reconnaissant de. Le terme gré (issu du latin gratum), très ancien dans la langue française, signifie “reconnaissance” ou “gratitude”. Selon l’Académie française, on en trouve une trace dans la Vie de saint Alexis, un des premiers textes français :
Un fil lor donet, si l’en sovrent bon gret
(Il (Dieu) leur donna un fils, ils lui en surent bon gré)
On l’utilise dans de nombreuses expressions toujours vivantes comme “de gré ou de force”, “bon gré mal gré”, “de plein gré”, “de gré à gré”, “au gré des événements”, “contre le gré” (se marier contre le gré de ses parents), dans des adjectifs comme “agréable”, un substantif comme “agrément”, un verbe comme “maugréer”, etc. Il peut être aussi utilisé en le faisant précéder d’un adjectif possessif dans des locutions qui expriment la satisfaction de son goût ou de sa volonté :
- cela marche à mon gré ;
- à son gré, à ton gré (comme il veut, comme tu veux);
- trouver quelque chose à son gré, etc.
En cas de doute, on peut substituer « être reconnaissant » à « savoir gré ».
Les différentes formes de l’expression
Le choix entre le conditionnel et le futur
Cette expression peut s’utiliser de deux manières différentes, selon le niveau de politesse souhaité :
- Je vous saurais gré (au conditionnel) : C’est
la forme la plus polie et la plus formelle. Elle exprime une
demande respectueuse, comme si vous disiez “Je vous serais
reconnaissant”. Elle est parfaite pour s’adresser à un supérieur
hiérarchique ou dans un contexte très formel.
Exemple : “Je vous saurais gré de bien vouloir signer ces documents.” - Je vous saurai gré (au futur) : C’est une
forme correcte mais un peu moins formelle. Elle exprime une
gratitude future certaine, comme si vous disiez “Je vous serai
reconnaissant”. Elle convient parfaitement pour des échanges
professionnels courants.
Exemple : “Je vous saurai gré de me répondre avant vendredi.”
Les différentes constructions possibles
L’expression peut se construire de plusieurs façons selon votre intention :
- Je vous saurais gré de bien vouloir +
infinitif. C’est la forme la plus complète et la plus
polie. Le “bien vouloir” ajoute une couche supplémentaire de
politesse.
Exemple : “Je vous saurais gré de bien vouloir me communiquer vos disponibilités.”* - Je vous sais gré de + nom/infinitif. Cette
forme au présent exprime une gratitude immédiate pour quelque chose
qui a déjà été fait.
Exemple : “Je vous sais gré de votre aide précieuse dans ce dossier.” - Sachez que je vous saurais gré de + infinitif.
Cette formulation renforce la demande en la rendant plus explicite,
tout en restant très polie.
Exemple : “Sachez que je vous saurais gré de traiter ce dossier en priorité.”
Points importants à retenir
Quelques règles pratiques pour bien utiliser ces différentes formes :
- Utilisez le conditionnel (saurais) pour les demandes les plus formelles ou quand vous vous adressez à des supérieurs
- Préférez le futur (saurai) pour les échanges professionnels courants
- Ajoutez “bien vouloir” quand vous voulez insister sur la politesse de votre demande
- Utilisez le présent (sais) uniquement pour remercier d’une action déjà accomplie
La bonne nouvelle ? Une fois ces différentes formes comprises, vous pourrez adapter l’expression à toutes les situations professionnelles, du simple email à la lettre la plus formelle.
Exemples avec “je vous saurais gré”
- Je vous saurais gré de bien vouloir faire le nécessaire pour régler cette situation inacceptable qui affecte ma famille et moi.
- Je vous saurais
gré de bien vouloir accuser réception de mon
courriel.
- Je vous serais reconnaissant de bien vouloir accuser réception de mon courriel.
- Je vous saurais gré si vous pouviez faire un don à notre institut afin de financer la recherche contre cette terrible maladie.
- Je représentai à l’abbé Egault qu’il m’avait appris le latin ; que j’étais son écolier, son disciple, son enfant ; qu’il ne voudrait pas déshonorer son élève, et me rendre la vue de mes compagnons insupportable, qu’il pouvait me mettre en prison, au pain et à l’eau, me priver de mes récréations, me charger de pensums ; que je lui saurais gré de cette clémence et l’en aimerais davantage. (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)
- ― Madame Cavrois, la passion vous égare…Je vous saurais gré…
― Je veux mettre en garde cet innocent.
― Et contre qui, s’il vous plaît ?
Voir ici : «Autant pour moi » ou « au temps pour moi » ?
« Je vous saurais gré » au féminin et au pluriel
Dans un courrier, si le destinataire est une femme ou s’il y a plusieurs destinataires, « gré » demeure invariable. Exemple :
- Je vous saurais gré, Madame, du temps que vous consacrerez à l’étude de ma candidature.
« Je vous saurais gré » au futur ou au conditionnel
On emploie généralement la formule au conditionnel présent car elle exprime un souhait. Employée au futur, la formule est plus impérative ; elle exprimerait implicitement un ordre, comme dans l’exemple suivant :
- je vous saurai gré de ne plus essayer de me joindre par téléphone.
Dans un contexte professionnel
“Je vous saurais gré de bien vouloir me transmettre les documents nécessaires avant la fin de la semaine.”
Dans une demande administrative
“Je vous saurai gré de bien vouloir prendre en considération ma demande de dérogation.”
Pour exprimer sa gratitude
“Je vous sais gré de l’attention que vous avez portée à mon dossier.”
Peut-on l’utiliser dans un email ?
Certainement, particulièrement dans vos communications professionnelles et formelles. C’est comme mettre une touche de raffinement dans votre message.
Alternatives et synonymes
Parfois, varier les plaisirs s’impose. Voici d’autres formulations tout aussi élégantes :
- “Je vous serais reconnaissant(e) de” – simple et efficace
- “Je vous remercie de bien vouloir” – plus direct
- “Je vous serais obligé(e) de” – une touche classique
- “Je vous prie de” – sobre et élégant
Comment éviter les erreurs courantes
Comme un faux pas lors d’une réception mondaine, certaines erreurs sont à éviter absolument :
Les pièges à éviter
- Dire “je vous serai gré” – aussi incorrect qu’une cravate mal nouée
- Oublier le “de” après l’expression – c’est comme oublier la ponctuation
- Mal accorder le participe passé qui suit – une faute de goût impardonnable
Niveau de langue et registre
Cette expression est comme un costume sur mesure dans votre garde-robe linguistique. Elle appartient au registre soutenu et témoigne d’une maîtrise raffinée des codes de la politesse formelle. C’est l’équivalent verbal d’une poignée de main ferme et assurée.
Conclusion
“Je vous saurais gré” n’est pas qu’une simple formule de politesse. C’est un héritage linguistique précieux qui garde toute sa pertinence dans nos communications modernes. Comme un bon vin, elle a traversé les âges sans perdre de sa saveur et continue d’enrichir nos échanges professionnels et administratifs.
Sources consultées :
- Académie française – Dictionnaire de la langue française, 9e édition
- Le Bon Usage de Maurice Grevisse, 16e édition
- Dictionnaire des difficultés de la langue française par Adolphe V. Thomas
- Larousse – Dictionnaire de français
Si la personne est une femme:
devons nous écrire ” Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir ” ou reconnaissante
Merci Arthur, je vous sais gré pour cette explication limpide…
Je vous saurais gré ou je vous saurai gré. Le second est moins impératif ?
PEU ME CHAUT l’opinion des grincheux ! SURTOUT CONTINUER VOS CHRONIQUES !!!
La construction de la locution “je vous sais gré” est troublante.
Pour l’éclaircir, il est bien de revenir à l’expression “savoir gré à quelqu’un” pour bien distinguer le rôle des termes dans cette expression.
En effet on voit ainsi que cette expression perd la préposition “à” dans la variante “je vous sais gré” dans laquelle on n’a alors plus d’indication permettant de discerner à coup sûr que “gré” qualifie non pas le “vous” ni le “je” mais complémente le “sais”.
Enfin le verbe”savoir” n’est pas utilisé dans son sens le plus courant mais est pris dans son acception “ressentir/éprouver”, et gré tout simplement dans le sens de “gratitude”, d’où le sens final de “je ressens de la gratitude envers vous”.
(J’espère que cette présentation de l’expression aidera ceux qui cherchent à retrouver une logique derrière la tournure de cette locution figée voire archaïque.)
“Il peut être utilisé PRECEDE d’un adjectif possessif dans des locutions qui expriment la satisfaction de son goût ou de sa volonté :
cela marche à mon gré ;
à son gré, à ton gré (comme il veut, comme tu veux);
trouver quelque chose à son gré, etc.
Merci, petite faute d’inattention !