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Lit de procuste : dĂ©finition & origine (expression) đŸ›ïž
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Publié le 29/09/2021
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DĂ©finition

Un lit de Procuste signifie : un cadre contraignant et uniformisant, des rĂšgles trop strictes ou trop tyranniques, une approche rĂ©ductrice des choses. On peut par exemple dire : « c’était un ĂȘtre profondĂ©ment original, qui refusait toutes les compromissions et ne pouvait se rĂ©soudre Ă  se glisser dans le lit de Procuste des normes dĂ©bilitantes de la sociĂ©tĂ© ». C’est une expression dont l’usage est littĂ©raire ou journalistique ; elle est rare et rarement comprise. 

 

Un lit de Procuste : origine de l’expression

Cette expression se rĂ©fĂšre Ă  la mythologie grecque. Procuste (du grec ProkroustĂȘs, « celui qui se jette sur », « qui Ă©tire avec violence ») est un personnage secondaire de la mythologie grecque. Fils de PosĂ©idon, c’est un brigand de l’Attique qui capture ses victimes et les fait allonger sur un lit : si elles sont plus grandes que les dimensions du lit, il coupe les extrĂ©mitĂ©s qui dĂ©passent, et si elles sont plus petites, ils martĂšlent leurs jambes jusqu’à ce qu’elles s’étirent (de lĂ  son surnom). Il est tuĂ© par ThĂ©sĂ©e, hĂ©ros redresseur de torts. On trouve ce rĂ©cit chez plusieurs Ă©crivains antiques. Exemples : 

ThĂ©sĂ©e Ă©gorgea ensuite, prĂšs d’Eleusis, Cercyon, qui luttait avec les passants, et assommait les vaincus. AprĂšs cela, il tua Procruste, qui demeurait Ă  Corydalle, dans l’Attique. Procruste contraignait les voyageurs de se jeter sur un lit ; il leur coupait les membres trop grands et qui dĂ©passaient le lit, et Ă©tirait les pieds de ceux qui Ă©taient trop petits. C’est pour cette raison qu’on l’appelait Procruste.

Diodore de Sicile, BibliothĂšque historique, IV, 59

X. [11] (1) ArrivĂ© Ă  Éleusis, il vainquit Ă  la lutte Cercyon d’Arcadie, et le tua. Passant de lĂ  Ă  ÉrinĂ©os, qui en est peu Ă©loignĂ©e, il fit mourir DamastĂšs, qu’on appelait aussi Procuste, en l’allongeant Ă  la mesure de son lit, comme il y forçait lui-mĂȘme ses hĂŽtes. En cela il imitait HĂ©raclĂšs, (2) qui faisait souffrir Ă  ses agresseurs le mĂȘme supplice qu’ils lui avaient destinĂ©.

Plutarque, Vie de Thésée, X

5. Le CĂ©phise a son cours beaucoup plus rapide Ă  Éleusis que dans le reste de l’Attique. On donne le nom d’ErinĂ©um (le figuier sauvage) Ă  un endroit voisin par oĂč Pluton descendit, dit-on, aux enfers aprĂšs avoir enlevĂ© Proserpine (PersĂ©phone). C’est aussi auprĂšs du CĂ©phise que ThĂ©sĂ©e tua le brigand PolypĂ©mon, surnommĂ© Procruste.

Pausanias, Description de la GrĂšce, I, 5

« Un lit de Procuste » dĂ©signe donc des rĂšgles tyranniques ou un cadre trop rigide parce que les individus sont contraints de s’adapter Ă  ces rĂšgles ou Ă  ce cadre, au prix d’une mutilation, si elle n’est pas physique, au moins morale. 

Cette expression peut-ĂȘtre repĂ©rĂ©e Ă  partir de 1760 en français, mais elle semble venir de l’italien (letto di Procuste), peut-ĂȘtre depuis Tolomei ou depuis Muratori. On trouve plusieurs fois l’idĂ©e que la forme poĂ©tique du sonnet est similaire au lit de Procuste : 

  • Claudio Tolo mei havesse ragione di dire che’l sonetto era simile al letto di Procuste. (Stefano Guazzo, 1690)

On trouve aussi l’expression en anglais (Procustes’ Bed) dans les Cato’s Letters (1720 – 1723) :

  • What is the Inquisition, what is Tyranny, and what is any extravagant Power, but Procustes’s Bed ? 

Cette expression s’est surtout diffusĂ©e au XIXe siĂšcle. Elle est enregistrĂ©e par le Dictionnaire de l’AcadĂ©mie française Ă  partir de sa 7e Ă©dition (1878). Elle d’usage plus rare aujourd’hui, mais on la trouve assez souvent dans les articles de presse.

 

Exemple

Empereur NapolĂ©on ne commit pas la faute de beaucoup d’hommes d’état, de vouloir assujettir la nation Ă  une thĂ©orie abstraite, qui devient alors, pour un pays, comme le lit de Procuste, il Ă©tudia, au contraire, avec soin le caractĂšre du peuple français, ses besoins, son Ă©tat prĂ©sent.

Louis-Napoléon Bonaparte, Des idées napoléoniennes