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Mot-valise : dĂ©finition et nombreux exemples 🧳

Publié le 05/12/2022 (m.à.j* le 10/12/2024)
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DĂ©finition

La définition du « mot-valise » (plus rarement mot-tiroir, emboßtement lexical ou croisement) peut varier selon les points de vue, mais désigne en général un néologisme (un mot nouveau) formé à partir de deux autres mots au moins. Les mots sont imbriqués les uns dans les autres pour en former un nouveau. Ce nouveau mot désigne une réalité nouvelle qui est, on le suppose, une fusion de que désignent ses mots parents :

  • Le mot-valise « divulgĂącher » a Ă©tĂ© forgĂ© Ă  partir des verbes « divulguer » et « gĂącher », et dĂ©signe le fait de gĂącher le plaisir de suivre un rĂ©cit (un film, une sĂ©rie) en divulguant des Ă©lĂ©ments importants d’une intrigue Ă  ceux qui ne le savent pas encore. Ce mot traduit l’anglais spoiler. On le voit, « divulgĂącher » combine bien les sens de ses deux mots parents.

Un mot formĂ© par simple prĂ©fixation ou suffixation ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un mot-valise (ils ne contiennent pas vĂ©ritablement deux mots).

 

La formation du mot-valise

La plupart des mots-valises sont formĂ© Ă  l’aide du processus de troncation, en supprimant la fin d’un mot (apocope) ou le dĂ©but d’un autre (aphĂ©rĂšse). Exemple :

  • Foultitude, composĂ© Ă  partir de « foule » dont on a supprimĂ© le -e final (apocope) et de « multitude » dont on a supprimĂ© multi- (aphĂ©rĂšse). Foultitude est un synonyme de multitude, mais a, contrairement Ă  lui, une connotation plaisante et lĂ©gĂšre. Il appartient au langage oral.

Ce n’est pas le seul procĂ©dĂ© de formation d’un mot-valise : ils peuvent ĂȘtre formĂ©s par deux apocopes, ou en insĂ©rant un mot dans l’autre (trĂšs rare). Exemples :

  • le manfra, composĂ© de « manga » et « français ». Deux apocopes.
  • un escalator : invention faite aux États-Unis, dont le nom est un hybride (il mĂ©lange deux langues) formĂ© Ă  partir de l’anglais elevator (« ascenseur ») et de l’insertion en son milieu de l’italien scale (« escalier »). Il dĂ©signe par antonomase tous les escaliers mĂ©caniques.

Nombre de mots-valises sont formĂ©s autour de syllabes communes (de phonĂšmes communs). Ce phĂ©nomĂšne est dĂ©nommĂ© l’haplologie :

  • Tragi-comique, formĂ© Ă  partir de « tragique » et « comique », partage en son centre le phonĂšme [k] (le qu de tragique, le c de comique). Le « que » final des deux termes aide Ă  la fusion.
  • Infox a Ă©tĂ© forgĂ© Ă  partir d’« info » (abrĂ©viation d’informations) et d’« intox » qui partagent les phonĂšmes [ɛ̃] (« in ») et [o].
  • Le nom de l’association sidaction, formĂ© Ă  partir de sida (un acronyme) et d’action, sans troncation.

Par la troncation, de nombreux mots perdent leur autonomie : dans divulgĂącher, gĂącher reste comprĂ©hensible (il conserve son signifiant), mais divul- seul n’a pas de sens (bien que l’on comprenne quel mot il abrĂšge).

Certains mots-valises, rares, sont des hybrides qui mĂ©langent deux langues. C’est le cas d’escalator, mais aussi du mot japonais freeter, formĂ© Ă  partir de l’anglais free et de l’allemand arbeiter (travailleur), qui dĂ©signe au Japon un jeune travailleur indĂ©pendant sans qualification.

 

Compréhension

De nombreux mots-valises sont transparents : on reconnaßt les mots à partir desquels ils ont été formés, ou le contexte dans lequel ils sont employés aide à les comprendre.

  • Le mot valise britannique Brexit, bien qu’anglais, est assez transparent, d’autant que l’un des composants n’a pas Ă©tĂ© tronquĂ© : Britain + exit. Le contexte politique autour du Brexit a par ailleurs aidĂ© Ă  rendre ce mot-valise plus comprĂ©hensible.

D’autres, plus techniques, sont difficilement lisibles par les nĂ©ophytes, d’autant que nombre de mots-valises anglais sont employĂ©s en français :

  • Un calligramme, mot-valise inventĂ© par Apollinaire Ă  partir de « calligraphie » (l’art de bien former les lettres) et d’« idĂ©ogramme » (caractĂšre qui a un sens en lui-mĂȘme, comme les idĂ©ogrammes chinois). Un calligramme est donc un poĂšme dont la forme mĂȘme a un sens.
  • Un incel, de l’anglais involutary celibate, dĂ©signe un homme qui dĂ©sire ĂȘtre en couple qui n’arrive pas Ă  l’ĂȘtre, et qui dĂ©veloppe parfois une pensĂ©e et un discours misogynes. Ce terme est courant sur l’internet francophone, mais n’est pas transparent immĂ©diatement Ă  ceux qui, par exemple, n’ont pas la culture de certains rĂ©seaux (Reddit, Twitter, etc.).

Certains mots-valises, anciens ou trÚs courants, ne sont plus perçus comme tels par les usagers :

  • Embrouillamini est un mot-valise ancien (XVIIe siĂšcle) formĂ© Ă  partir d’« embrouillĂ© » et « brouillamini ». Le fait que ce dernier terme sorti d’usage rend impossible la dĂ©tection spontanĂ©e de son Ă©tymologie.
  • Photomaton est une marque dĂ©posĂ©e amĂ©ricaine dont le nom a Ă©tĂ© formĂ© Ă  partir de photography et d’automaton (automate) avec haplologie (« oto » et « auto ») Ce mot-valise est devenu une antonomase : ce nom propre est devenu un nom commun pour dĂ©signer toutes les cabines de photographie d’identitĂ©.
  • Valdinguer, composĂ© de « valser » et de « dinguer », verbe sorti d’usage dont le sens Ă©tait « tomber, s’effondrer ».

 

Sources de formation des mots-valises

La formation des mots-valises peut avoir plusieurs motivations :

  • crĂ©er un mot-nouveau pour dĂ©signer un rĂ©alitĂ© nouvelle : un ligre (lion+tigre) pour le petit d’un lion et d’une tigresse, potimarron (potiron+marron) pour dĂ©signer une courge originaire de Chine, etc.
    • pour dĂ©signer, parfois, des phĂ©nomĂšnes de sociĂ©tĂ© (des concepts journalistiques frappants pour crĂ©er de l’engagement) : le trouple par exemple (trois+couple, relation amoureuse qui implique trois personnes).
  • crĂ©er un mot frappant pour faire de la rhĂ©torique :
    • en politique : les merdias, mot-valise polĂ©mique composĂ© de merde et de mĂ©dias pour dĂ©noncer ces derniers ; le franglais (français + anglais) pour dĂ©noncer la prĂ©gnance de certains anglicismes en français (dans la langue des cadres des grandes entreprises ou des startups par exemple).
    • pour faire de la publicitĂ© : les alicaments (aliments+mĂ©dicaments), le carambar, etc.
    • faire de l’humour : un Ă©lĂ©phanfare (Ă©lĂ©phant + fanfare), ridicoculiser (Edmond Rostand, ridiculiser + cocu), etc.
  • CrĂ©er un Ă©quivalent français Ă  un mot Ă©tranger (pour lutter contre les anglicismes le plus souvent, par initiative des autoritĂ©s linguistiques quĂ©bĂ©coises le plus souvent) : infox pour fake news, courriel pour email, pourriel pour spam, etc.

L’espĂ©rance de vie des mots-valises dĂ©pend de la rĂ©alitĂ© qu’ils dĂ©signent. Si certains s’installent durablement dans le langage, d’autres en sortent vite, voire ne parviennent pas Ă  y entrer du tout. Certains mots-valises n’intĂ©ressent qu’un petit groupe d’usagers, parce qu’ils ne touchent qu’un domaine spĂ©cialisĂ©, ou une sous-culture, etc.

  • Nombre de traductions d’origine quĂ©bĂ©coise de termes techniques anglais liĂ©s Ă  l’informations ne sont pas courantes en français d’Europe : pourriel, balado (pour podcast), costumade (pour cosplay), Ă©goportrait (selfie), ordiphone (pour smartphone).
  • Des mots-valises sont frappĂ©s d’obsolescence (coronapiste, covidiot, fanzine), ou sont des concepts socio-journalistiques qui ne prennent pas (les tracances, travail+vacances, des vacances oĂč l’on travaille
).
  • Certains ne touchent qu’un groupe de personnes : la stagflation (stagnation+inflation), un hackathon (hack+marathon, un Ă©vĂ©nement pendant lequel des dĂ©veloppeurs tentent de rĂ©soudre ensemble des problĂšmes), mĂ©catronique (mĂ©canique+Ă©lectronique), gaydar (gay+radar), etc.

 

Étymologie de mot-valise

Mot-valise est probablement un calque (une traduction littĂ©rale) de l’anglais portmanteau word, terme inventĂ© dans par l’écrivain Lewis Carroll (1832 – 1898) dans Through the Looking-Glass (1871). Un portmanteau dĂ©signe en anglais une grosse valise servant Ă  transporter des vĂȘtements. La mĂ©taphore qui prend appui sur la valise vient probablement du fait que plusieurs Ă©lĂ©ments sont enfermĂ©s dans un contenant pour ne faire qu’« un » (« [
] there are two meanings packed up into one word »).

 

Acronyme et mot-valise

Les acronymes sont proches des mots-valises. Ce sont des abrĂ©viations, souvent des sigles, qui se prononcent comme des mots nouveaux. Mais les mots-valises tentent de former un mot nouveau pour dĂ©signer une rĂ©alitĂ© nouvelle, c’est-Ă -dire former mot « autonome », alors que l’intention qui prĂ©side Ă  la crĂ©ation des acronymes est d’abrĂ©ger un syntagme.

  • Bobo est une abrĂ©viation de bourgeois-bohĂšme, le bobo est un bourgeois-bohĂšme, alors que tigron n’est pas l’abrĂ©viation de tigre-lionne (qui ne veut rien dire), mais un ĂȘtre nouveau formĂ© Ă  partir de ces deux animaux.
  • Dircom est l’acronyme de directeur de la communication. Un dircom n’est pas autre chose qu’un directeur de la communication.

 

Liste de mots-valises

  • adulescence : « adulte » + « adolescence » ; dĂ©signe un adulte qui se comporte comme un adolescent, ou le retard du passage d’un Ă©tat Ă  l’autre.
  • artivisme: formĂ© de art + d’activisme ; activisme par l’art.
  • bidonville : de bidon + ville.
  • bistroquet : de bistrot + troquet
  • brunch : de l’anglais breakfast + lunch, pour dĂ©signer un repas qui combine les aliments mangĂ©s au petit-dĂ©jeuner et au dĂ©jeuner.
  • burkini : de burka et bikini. Joue sur la rĂ©pĂ©tition de la sĂ©quence b-k.
  • cellophane : cellulose + diaphane ; dĂ©signe le film plastique transparent aux usages multiples.
  • copillage : de copie + pillage ; dĂ©signe le fait de dupliquer le contenu de certains livres, en les photocopiant notamment.
  • (Train) corail : confort + rail.
  • carambar : caramel en barre. Jeu avec le changement de prononciation du « am » de « caramel » qui reprend le phonĂšme de « en » dans carambar.
  • cĂ©libattant(e) : de cĂ©libataire + battant ; dĂ©signe un cĂ©libataire qui se de bat pour s’en sortir, ou une personne heureuse dans le cĂ©libat.
  • cultivar : de l’anglais cultivated + variety ; dĂ©signe les plantes cultivĂ©es d’une espĂšce.
  • daron : croisement trĂšs ancien de baron et de dam, « seigneur, maĂźtre ».
  • flexitarien : flexible + vĂ©gĂ©tarien, calque d’un mot-valise anglais. Quelqu’un qui mange de la viande occasionnellement. L’usage du mot-valise, et du concept qui va avec, est notamment portĂ© par des groupes d’intĂ©rĂȘt du secteur de la viande pour prendre en compte le dĂ©veloppement supposĂ© du vĂ©gĂ©tarisme.
  • foutraque : fou + patraque. Familier et amusant.
  • fauxmage : de faux + fromage, appellation commerciale de produits vegans qui essaient d’imiter le goĂ»t et la consistance du fromage. Jeu sur la paronymie entre « faux » et du « fro » de fromage.
  • fĂ©minazi : de fĂ©ministe + nazi ; ce mot-valise polĂ©mique a Ă©tĂ© inventĂ© aux États-Unis et diffusĂ©s par les commentateurs conservateurs pour disqualifier et dĂ©nigrer certaines fĂ©ministes. Le qualificatif de nazi tente de disqualifier par association.
  • La Françafrique : de France et Afrique ; mot-valise aujourd’hui pĂ©joratif Ă  propos des relations entre la France et les États de ses anciens territoires coloniaux.
  • globish : global + english, dĂ©signe un anglais simplifiĂ© employĂ© pour les communications internationales, parfois pĂ©jorativement.
  • Handisport : de l’anglais handicap et sport.
  • iel : de il + elle, pronom personnel neutre inventĂ© pour constituer une langue inclusive.
  • IndonĂ©sie : de l’anglais Indonesia, formĂ© sur les composĂ©s grecs indos (Indus, et Inde par extension) et nesos (Ăźle).
  • Motel : de l’anglais motor + hotel, pour dĂ©signer les hĂŽtels situĂ©s le longs des routes aux États-Unis.
  • Multiplex : de multi + complexe.
  • Napalm : de l’anglais naphthenic et palmitic, deux composants de ce produit employĂ© pour fabriquer des bombes incendiaires, utilisĂ©es pendant la guerre du Vietnam notamment.
  • NescafĂ© : de nestlĂ©cafĂ©.
  • Novlangue : de nouveau + langue, calque de l’anglais Newspeak, langue officielle de l’OcĂ©ania, État inventĂ© par George Orwell dans son roman 1984 (1949).
  • Oxbridge : l’ensemble formĂ© par Oxford et Cambridge, deux grandes universitĂ©s britanniques.
  • Parapente : de parachute + pente.
  • Paralympique : de l’anglais paraplegic + olympics.
  • Podcast : iPod + broadcast, format inventĂ© par Apple ; l’Office quĂ©bĂ©cois de la langue français a proposĂ© de le traduire par balado, abrĂ©viation de baladodiffusion, formĂ© sur baladeur + radiodiffusion.
  • Pom’potes : pomme + compote, et jeu sur la paronymie avec potes (amis).
  • Smog : de l’anglais smoke (fumĂ©e) et fog (brouillard), du nom d’un brouillard formĂ© par la pollution atmosphĂ©rique.
  • Tanzanie : Ă  partir du mot-valise anglais Tanzania, formĂ© de Tanganyika + Zanzibar, avec un suffixe en –ia en anglais, -ie en français.
  • TĂ©lĂ©thon : de tĂ©lĂ©vision + marathon.
  • Velcro : de velours + crochet, antonomase qui dĂ©signe le systĂšme d’accrochage inventĂ© par l’entreprise du mĂȘme nom.
  • VĂ©lib : service de vĂ©lo en libre service parisien, formĂ© sur vĂ©lo + libertĂ©.