La Savoie et le comté de Nice ont été rattachées à la France en 1860. Ce rattachement était le « prix » de l’aide de la France au royaume de Sardaigne (ou Piémont-Sardaigne) pour chasser les Habsbourg d’Italie du Nord et réaliser l’unité de l’Italie. Le Milanais et la Vénétie faisaient en effet partie de l’Empire d’Autriche, qui exerçait aussi son influence sur le Grande Duché de Toscane, le duché de Modène et celui de Parme.
L’alliance franco-autrichienne a pris naissance après plusieurs mois de négociation au cours de « l’entrevue de Plombières », les 21 et 22 juillet 1858, entre Camillo Cavour (1810 – 1861), le chef du gouvernement du royaume de Sardaigne, et l’empereur des Français, Napoléon III (r. 1852 – 1870). Ce dernier a semble-t-il accepté au cours de l’entretien la création d’un royaume d’Italie du Nord (sans envisager l’unité italienne, mais plutôt la création d’une confédération sous présidence du pape), avec la Lombardie, la Vénétie, Parme, Modène et éventuellement la Romagne (qui faisait alors partie des États pontificaux) et l’envoi d’une armée de 200 000 hommes en cas de conflit avec l’Autriche. En échange, la Savoie et le comté de Nice, territoires du Piémont-Sardaigne, devaient être cédés à la France.
Le traité franco-sarde, une alliance défensive et offensive contre l’Autriche, est signé le 26 janvier 1859. Son troisième article prévoit l’échange de la Savoie et de Nice (selon Pierre Milza). Après avoir envoyé un ultimatum le 23 avril demandant au gouvernement piémontais de cesser ses préparatifs militaires, l’Empire d’Autriche prend l’initiative du conflit le 27 et franchit la frontière avec 150 000 hommes. La France déclare la guerre à l’Autriche de le 3 mai et expédie une armée d’Italie forte de 100 000 hommes. Deux grandes batailles, sanglantes, sont remportées par les troupes franco-sardes : Magenta le 4 juin, et Solférino le 24 juin. Napoléon III, soucieux de limiter les pertes et inquiet devant l’amassement de troupes par la Prusse à la frontière avec la France, conclut avec l’Autriche un armistice à Villafranca le 11 juillet 1859, suivi par un traité à Zurich le 11 novembre, au grand dam des Sardes, qui n’obtiennent que la Lombardie. La réputation de l’empereur en Italie est ruinée, les patriotes italiens le honnissent, et il ne réclame pas Nice et la Savoie.
Toutefois, arbitre de fait de la question italienne, Napoléon III change d’orientation diplomatique et donne son aval aux annexions des États italiens par le royaume de Sardaigne, et demande même indirectement au pape de renoncer à ses États dans une brochure, Le Pape et le Congrès, signée par Arthur de La Guéronnière mais qu’il a directement inspiré. L’Émilie et la Toscane sont annexées en mars 1860, le royaume de Deux-Siciles en octobre 1860 après l’expédition de Giuseppe Garibaldi (1807 – 1882), l’Ombrie et les Marches en novembre, après, à chaque fois, l’organisation d’un plébiscite afin de prendre en compte, au moins formellement, le vœu des populations. Le royaume d’Italie est proclamé le 17 mars 1861, sans la Vénétie qui est intégrée en 1866, et Rome en 1870. En échange de sa non-intervention dans ces annexions, la France, par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères Thouvenel, demande dans une dépêche (24 février 1860), l’application du traité de janvier 1859.
Le traité de Turin, signé le 24 mars 1860, entérine la « réunion » de la Savoie et de Nice avec la France. Son premier article dit :
Sa Majesté le Roi de Sardaigne consent à la réunion de la Savoie et de l’arrondissement de Nice (circondario di Nizza) à la France, et renonce, pour lui et tous ses descendants et successeurs, en faveur de Sa Majesté l’Empereur des Français, à ses droits et titres sur lesdits territoires.
Ce même article prévoit implicitement l’organisation de plébiscites afin de sanctionner ces réunions :
Il est entendu entre Leurs Majestés que cette réunion sera effectuée sans nulle contrainte de la volonté des populations et que les gouvernements de l’Empereur des Français et du Roi de Sardaigne se concerteront le plus tôt possible sur les meilleurs moyens d’apprécier et de constater les manifestations de cette volonté.
L’organisation de plébiscites permettait de légitimer ces intégrations, qui ne pouvaient être justifiées, dans le cas de Nice au moins, par le principe des nationalités, c’est-à-dire la réunion des territoires peuplés par des individus d’une même nation dans un même État. En effet, Nice est la ville de naissance de Garibaldi et la ville où se trouve la sépulture de sa femme Anita. Les partisans de patriote italien, tout comme la droite conservatrice italienne, s’opposaient à cette annexion, bien que les trois quart de la population ne parlait pas italien, mais un dialecte occitan, le niçois, et qu’il existait un parti français actif (cf. Henri Courrières). Au reste, la Savoie était le territoire d’origine de la famille régnante du royaume de Sardaigne (la maison de Savoie). Quoi qu’il en soit, le plébiscite niçois (dont la date n’avait certes été annoncée qu’une semaine plus tôt et dont les Italiens avaient été exclus), organisé le 15 avril, donne une quasi-unanimité au « oui » (99,3% pour le « oui », soit 25 933 votes) tout comme celui de Savoie, organisé le 23 avril (99,8% pour le « oui », soit 130 533 votes).
C’est une grande satisfaction pour la France, qui réalise son premier agrandissement territorial en Europe depuis la fin du Premier Empire (1815), en récupérant deux territoires qu’elle avait déjà intégré (sous Louis XIV puis en 1793 pour Nice, en 1792 pour la Savoie). Elle gagne trois nouveaux départements (ceux de Savoie et les Alpes-Maritimes) et environ 669 000 nouveaux habitants.
À lire
- Quentin Deluermoz, Le Crépuscule des révolutions
- Henri Courrière, L’annexion et l’intégration du comté de Nice à la France (1859-1861)
- Pierre Milza, Napoléon III
- Christian Sorrel, Deux « réunions » pour un destin français : la Savoie de 1792 à 1860
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