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Payer en monnaie de singe : dĂ©finition & origine (expression) đŸ”

Publié le 07/05/2021 (m.à.j* le 12/11/2024)
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DĂ©finition

Payer en monnaie de singe signifie : payer en fausse monnaie, ne pas payer. La personne qui a Ă©tĂ© payĂ©e en monnaie de singe l’a Ă©tĂ© en fausses promesses. Elle a Ă©tĂ© leurrĂ©e, escroquĂ©e. L’anglais parle de Monopoly money.

 

Payer en monnaie de singe : origine de l’expression

Cette expression viendrait du fait que les montreurs de singes, les joueurs de singe, pouvaient payer des passages, sur un pont, sur un bac ou pour entrer dans une citĂ©, en faisant faire des acrobaties Ă  leurs singes, des gambades, des bouffonneries, des grimaces, etc. Elle vient plus prĂ©cisĂ©ment du Livre des mĂ©tiers (vers 1268) d’Étienne Boileau, dans la section pĂ©age du Petit Pont de Paris (qui prolonge aujourd’hui la rue Saint-Jacques vers l’üle de la CitĂ© et Notre-Dame) :

Li singes au marchant doit iiii d. [quatre deniers], se il pour vendre le porte. Et se li singes est a home qui l’ai achetĂ© pour son deduit, si est quites. Et se li singes est au joueur, jouer en doit devant le paagier, et pour son jeu doit estre quites de toute la chose qu’il achete a son usage. Et ausi tot li jongleur sont quite por i ver[s] de chançon.

Duneton a traduit ce passage ainsi (La Puce Ă  l’oreille) : « Le singe du marchand doit quatre deniers, si celui-ci le porte vendre ; si le singe appartient Ă  un homme qui l’a achetĂ© pour son divertissement, il est quitte, et si le singe est Ă  un montreur, il doit faire des tours devant le pĂ©agier, et pour son jeu doit ĂȘtre quitte de toutes les choses achetĂ©es Ă  son usage, et de mĂȘme les jongleurs sont quittes pour un couplet de chanson. » Le joueur de singe doit faire jouer son singe devant le pĂ©agier pour obtenir la franchise du pĂ©age, et chanter ou dĂ©clamer un poĂšme.

Le caractĂšre insolite de cette rĂšgle a pu frapper les contemporains, ce qui en a fait un proverbe, ou ce passage du livre d’Étienne Boileau a frappĂ© des lecteurs postĂ©rieurs, qui ont repris l’anecdote et en ont fait une expression. L’expression disparue “payer en gambades” est sĂ»rement nĂ©e du mĂȘme passage. Quoi qu’il en soit, l’expression est trĂšs ancienne. Elle se trouve chez Rabelais (mort en 1553) : 

D’entre les quelles frĂšre Ian achapta deux rares & precieux tableaulx : en l’un des quelz estoit au vif painct le visaige d’un appellant : en l’aultre estoit le portraict d’un varlet qui cherche maistre, en toutes qualitez requises, gestes, maintien, minois, alleures, physionomie, & affections : painct & inventĂ© par maistre Charles Charmois painctre du roy Megiste : & les paya en monnoie de Cinge.

Le Quart Livre (1552)

Le Dictionnaire de FuretiĂšre (1690) la relĂšve : « On dit qu’il a payĂ© en monnoye de singe, en gambades & en bouffonneries. »

 

Exemples

Oiseau picoreur, s’enfuyant le gosier plein, et gazouillant un air pour tout remerciement, Pons Ă©prouvait d’ailleurs un certain plaisir Ă  bien vivre aux dĂ©pens de la sociĂ©tĂ© qui lui demandait, quoi ? de la monnaie de singe.

Balzac, Le Cousin Pons

Les salaires des Libanais ne valent plus rien. Payer le loyer, les factures ou mĂȘme remplir un chariot reprĂ©sentent un dĂ©fi. Comme tout est importĂ© et que la livre est devenue une monnaie de singe, l’inflation a explosĂ©. Au supermarchĂ©, les prix ne sont mĂȘme plus affichĂ©s. L’huile, le sucre ou la viande sont dĂ©sormais des produits de luxe.

Ouest-france.fr