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Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise : définition & origine

Publié le 23/07/2021
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Définition

« Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise » ou « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse » signifie :

  • à force de s’exposer à un danger, même léger, on risque d’en être victime ;
  • à force de répéter une action qui comporte un danger, celui finit par survenir ;
  • à force de répéter les mêmes erreurs, on finit par en subir les conséquences. 

Remplir une cruche d’eau est un geste anodin qui ne semble pas comporter de danger. Mais, à force de le faire, on risque de casser un jour la cruche. L’usure peut notamment nous rendre victime d’un danger léger. Exemple : « — Non ! j’ai plus le courage que j’avais. Je suis fini. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. Et puis, depuis mon affaire en justice, je n’ai plus le même caractère. Je suis plus le même homme, quoi ! » (Anatole France, Crainquebille)

Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise / se casse : origine du proverbe

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Manuscrit du XVe siècle | Gallica

L’origine de ce proverbe est bien sûr obscure. « Cruche » semble avoir remplacé « pot », avec lequel on trouve des occurrences plus anciennes. Le Dictionnaire du moyen français donne plusieurs exemples du XIVe siècle :

  • Tant va ly pos a l’iaue que brisier le voit on (La Belle Hélène de Constantinople) ;
  • Tant va le pot a l’eaue qu’en la fin brisera (Cuvelier, La Chanson de Bertrand du Guesclin) ;
  • etc.

Mais ce proverbe est encore plus ancien. Il est employé (à plusieurs reprises) dans le Roman de Renart (XIIe – XIIIe siècles) :

Fox est qui por son grant eür
Cuide estre en cest siecle asseür ;
Et si vos di bien sanz faintise,
Tant va pot a l’eve qu’il brise.
Ou tost ou tart, ou pres ou loing,
A li fort du foible besoing.

Traduction en ligne

Il est fou celui qui pense être assuré
de son bonheur dans ce monde.
Je vous le dis sans détour,
tant va la cruche à l’eau qu’elle se brise.
Tôt ou tard, de près ou de loin,
le fort a besoin du faible.

Au XVe siècle, on le trouve par exemple sous une forme similaire chez François Villon :

Tant grate chevre que mal gist
Tant va le pot a leau qu’il brise
Tant chauffe on le fer quil rougist
[…]

Il conserve la même forme au XVIe siècle chez Baïf (1532 – 1589):

Tant va le pot à l’eau qu’il brise :
Tel est loué qui peut se prise ;
Tant vente, qu’il pleut à la fin.

La cruche fait son apparition au XVIe, dans une expression à la forme assez différente (mais peut-être d’emploi très rare) :

Une édition de 1605 du dictionnaire français-latin dit de Jean Nicot relève le proverbe : « Tant va la cruche à l’eau, qu’elle s’y casse ». Un recueil de proverbe note en 1611  : « Tant va la cruche au Puits, qu’elle y laisse le manche. » Oudin relève dans ses Curiositez françaises (1640) : « tant va la cruche à l’eau qu’enfin elle se brise .i. l’on continüe tant une chose qu’à la fin on y est attrapé ». On le trouve sous cette forme chez Molière (1622 – 1673):

Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l’homme est en ce monde ainsi que l’oiseau sur la branche, la branche est attachée à l’arbre, qui s’attache à l’arbre suit de bons préceptes, les bons préceptes valent mieux que les belles paroles, les belles paroles se trouvent à la cour.

Dom Juan, V, 2, Sganarelle

Oudin (1595 – 1653) a traduit (1662) « tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se brise » en italien par « tanto va la Caprazoppa, che nel Lupo s’intoppa » (la chèvre boiteuse s’en va si le loup ne l’attrape pas). Beaumarchais (1732 – 1799) a détourné le proverbe : 

Basile : Prenez garde, jeune homme, prenez garde ! le père n’est pas satisfait ; la fille a été souffletée ; elle n’étudie pas avec vous. Chérubin ! Chérubin ! vous lui causerez des chagrins ! Tant va la cruche à l’eau…

Figaro : Ah ! voilà notre imbécile avec ses vieux proverbes ! Eh bien, pédant ! que dit la sagesse des nations ? Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin…

Basile : Elle s’emplit.

Figaro, en s’en allant : Pas si bête, pourtant, pas si bête !

Le Mariage de Figaro I, 4

Frédéric Dard aussi : « Tant va l’homme à la cruche qu’à la fin il se case »